"Les Lettres persanes" de Montesquieu


  • Présentation de l'oeuvre


Les Lettres persanes écrites par Montesquieu (1689-1755), célèbre penseur politique, écrivain et philosophe des Lumières, relatent la correspondance entre deux voyageurs perses -- Usbek et Rica -- et leurs amis rencontrés dans les pays traversés. Montesquieu en profite ainsi pour décrire et critiquer la société française du XVIII ème siècle et ses moeurs par l'intermédiaire des descriptions d'Usbek et Rica, aux moeurs toutes autres puisqu'Usbek à titre d'exemple a un sérail. Il se moque ainsi de plusieurs aspects qui peuvent paraître frivoles mais en profite en fait pour critiquer le système monarchique français. Nous pouvons le constater dans le texte suivant où Usbek se moque de la mode et de la frivolité parisienne.


  • Lettre 100 de Rica à Rhedi 


      Je trouve les caprices de la mode, chez les Français, étonnants. Ils ont oublié comment ils étaient habillés cet été; ils ignorent encore plus  comment ils le  seront cet hiver  : mais surtout on ne saurait croire combien il en coûte à un mari, pour mettre sa femme à la mode.
      Que me servirait de te faire  une  description  exacte de leur habillement et de leurs parures? Une mode nouvelle viendrait détruire tout  mon ouvrage, comme celui de leurs  ouvriers; et, avant que tu eusses reçu ma lettre, tout serait changé.

     
Sérail de Jean-Léon Gérome
Une femme qui quitte Paris pour aller passer six mois à la campagne en revient aussi antique que si elle s'y était oubliée trente ans. Le fils méconnaît le portrait de sa  mère, tant l'habit avec  lequel elle 
est peinte lui parait étranger; il s'imagine que c'est quelque Américaine qui y est représentée, ou que le peintre a voulu exprimer quelqu'une de ses fantaisies.
     Quelquefois les coiffures montent insensiblement; et une révolution les fait descendre tout à coup. Il a été un temps que  leur hauteur  immense  mettait le  visage  d'une femme  au milieu d'elle-même: dans un  autre, c'était les pieds qui  occupaient  cette  place; les  talons faisaient  un  piédestal, qui les tenait en l'air. Qui  pourrait le croire? Les architectes ont été souvent obligés de hausser, de baisser et d'élargir leurs portes, selon que les parures des femmes exigeaient d'eux ce changement; et les règles de leur art ont été asservies à ces fantaisies. On voit quelquefois sur un visage une quantité  prodigieuse de mouches, et elles  disparaissent toutes le lendemain. Autrefois les  femmes avaient de 
la taille, et des dents; aujourd'hui il  n'en est pas question. Dans  cette changeante  nation, quoi  qu'en dise le critique, les filles se trouvent autrement faites que leurs mères.
      Il en est des manières et de la façon de vivre comme des modes: les Français changent de moeurs selon l'âge de leur roi. Le  monarque pourrait  même  parvenir  à  rendre  la  nation  grave, s'il  l'avait entrepris. Le prince imprime le caractère de son esprit à la cour, la cour à la ville, la ville aux provinces. L'âme du souverain est un moule qui donne la forme à toutes les autres.

      De Paris, le 8 de la lune de Saphar, 1717.


  • Questions


1) Quel est l'intérêt pour Montesquieu de faire décrire la société française par des étrangers perses ?
2) Qu'est-ce qu'un sérail ?
3) Qu'est-ce qu'une "mouche" dans ce contexte ?
4) Comment la mode parisienne est-elle critiquée ?
5) Comment se manifeste la critique de la monarchie dans ce texte ?




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